Le Bain Public ou "Sento" ( 銭湯 ) IntroductionLes bains japonais sont de 3 types : le "sento" qui est un bain public et convivial ; le "furo" qui est le bain privé ; et le "onsen" qui est le bain naturel dans les
sources volcaniques. Le "sento" est un bain de vapeur (mixte) dans une chambre d'étuve en bois odorant, sous le plancher de laquelle bouillonnent des cuves
d'eau. Après avoir frotté sa peau à la luffa ou avec un sachet de son, on se rince à l'eau chaude dans une pièce contigüe. On peut voir des "sento" dans les films
de Mizoguchi par exemple. Pour le "furo", on utilise un robinet d'eau, un petit tabouret, un baquet et une baignoire profonde (traditionnellement en bois lisse et
odorant, cyprès par exemple), suffisamment longue pour que le baigneur y soit totalement allongé, et avec un couvercle pour garder la chaleur de l'eau. L'eau est
très chaude et on y reste le temps qu'on veut, tout en contemplant le jardin. Traditionnellement, on se baigne avant le dîner. Enfin les "onsen" sont des bains
thermaux naturels en plein air (il y en a des MILLIERS au Japon !). De nombreux "onsen" sont de véritables complexes modernes, où les Japonais arrivent par
cars entiers le week-end.
Les OriginesLe bain est une des rares pratiques japonaises qui ne viennent pas de Chine, mais qui aurait son origine dans un rituel de purification par l'eau en relation avec le culte Shinto: avant d'entrer dans un temple, il convient de se purifier. Le bain serait donc une pratique à associer à l'usage du sel, dont on dispose des petits tas devant les maisons ou les magazins également à des fins de purification.
Avant l'avènement des bains publics, les temples shinto furent ainsi les premiers endroits où les gens du peuples pouvaient se baigner. Il y avait deux sorte de bains: "yu" (littéralement l'eau chaude), le bain d'eau chaude et "furo" le bain de vapeur. Ces bains se trouvaient typiquement dans un batiment spécial dans la cour d'un temple, non loin d'un puit. Dans une première pièce, l'eau était chauffée dans une énorme marmitte au dessus d'un foyer. La vapeur qui en résultait était conduite par un tuyau de bambou dans une deuxième pièce, la "yu-ya", ou se trouvait également une grande cuve en bois ou en pierre, qui remplie d'eau chaude servait de bain.
Les premiers bains publics sont apparus dès le 8e siècle (période de Heian). Contrairement aux bains du temple, où l'on rentrait habillés d'un yukata blanc et où régnait le silence, les bains publics autorisent la nudité et le bavardage. Ces bains étaient alors appelé "machiyu", littéralement l'eau chaude de la ville.
Mais c'est surtout pendant la période de Edo (début du XVIIe - milieu du XIXe), marquée par le développement des villes, que le bain devint véritablement un lieu de détente et de plaisirs et que le nombre d'établissements de bains publics ("sentos") se multiplia. Concurence oblige, les sentos multiplièrent les services, ceux-ci allant de la restauration dans des salles de repos, à ceux moins innocents de laveurs (pour les femmes) et de laveuses (pour les hommes). Cette évolution en firent de véritables centres de la vie sociale.
"Femmes au Sento" - Torii Kiyonaga (1752 - 1815)Le développement de la pratique du bain a d'autre part été favorisé par une attitude de tout temps libérale vis à vis de la nudité, notament dans les couches basses de la population japonaise. Cette attitude était fondamentalement différente de la pudibonderie qui prévalait en occident, où, à partir du moyen age, la nudité était condamnée par la religion chrétienne. C'est d'ailleurs avec l'arrivée des occidentaux à la fin du 19e siècle qu'apparut la séparation des sexes dans les bains publics japonais.
Aujourd'huiAujourd'hui, le nombre de Sentos décline régulièrement. Outre la concurence de la salle de bain privée qui s'est banalisée dans les appartements, ces établissement ferment du fait de l'augmentation de leurs coûts et des investissements qui seraient nécessaires à leur rénovation.
Popularité des onsensContrairement aux sentos, les bains de sources chaudes naturelles ("onsens") sont toujours très populaires. Pays volcanique, le japon compte environ 2000 stations thermales, notament dans le Hokkaido, le Nord du Honshu, les Alpes, la région du Mont Fuji, la presqu'ile d'Izu et Kyushu, dont le cadre est souvent spectaculaire (paysage montagneux, gorge, bord de mer...).
"Rotenburo" ou bain exterieur d'un onsen le long d'un torrent Les onsens avaient également à l'origine un charactère sacré. Du fait de leur valeurs curatives ils ont longtemps été vus commes des manifestations des "kamis" (dieux shinto), et sont au centre de nombreuses légendes.
L'eau des onsens étant d'origine volcanique, elle est riche en minéraux, notament en souffre, qui outre les différentes vertues thérapeutiques qui lui sont attribuées, donne au bain une odeur très particulière, et ce d'autant plus si celui-ci est en bois. Le bain s'ouvre normalement sur un jardin ou un paysage, ce qui ajoute encore au plaisir des sens et au sentiment d'harmonie...
Ces bains se trouvant souvent au sein de Ryokans (auberges traditionelles japonaises), les onsens sont aujourd'hui devenus des destinations favorites de week-ends en famille, entre amis ou entre collègues de travail, favorisées par un marketing assez agressif: il n'est pas un train ou un métro qui n'affiche une photo idyllique de onsen, avec quelques jeunes filles plongées dans un bain sur fond de nature... Il existe également de nombreux livres, revues spécialisées et sites Internet, permettant de choisir onsens et ryokans en toute connaissance de cause (avec photos et descriptions détaillées du bain, des plats du diner et des chambres).
De même que dans les "sentos" on retrouve voisins et amis du quartier, les onsens ont donc une dimension sociale. Et la nudité engendrant une certaine complicité, le bain pris en commun renforce les liens...
Installations et AccessoirsUne installation de bain, qu'elle soit privée ou publique, comporte 2 zones distinctes: une zone sèche, où l'on s'habille et se déshabille (et qui comprend éventuellement des lavabos), et une zone humide, qui outre la baignoire, comprend un espace avec une évacuation d'eau permettant de se doucher en dehors du bain. L'étiquette veut en effet que l'on ne rentre dans le bain qu'une fois lavé, le même bain devant servir à plusieurs personnes!
Les baignoires japonaises ont évolué d'une forme en tonneau, vers une forme rectangulaire. Ce qui les charactérise néanmoins par rapport aux modèles occidentaux est leur profondeur, puisqu'elle doivent permettre de se plonger dans l'eau jusqu'au cou. Une autre caractéristique du bain japonais est la température très élevée de l'eau... "Atsui" !
Même si le plastique envahit de plus en plus les salles de bains japonaises, les baignoires traditionelles restent en bois, le plus souvent du "hinoki" (sorte de cèdre) ou du "sugi" (cryptomère). L'odeur de ces bois, très charactéristique, leur couleur douce et chaude, leur toucher presque sensuel au contact de l'eau contribuent à la détente et à l'éveil des sens. Ces baignoires ont également la particularité d'être construites sans la moindre vis.
On trouve encore de telles baignoires en bois dans certains vieux onsens de campagne, ou dans des ryokans haut de gamme. Mais malheureusement, les bains sont le plus souvent en pierre ou en carrelages, surtout dans les Sentos.
Un exemple de "Rotenburo" en bois, ici à Hakone.
Celui-ci permet de s'allonger dans l'eau, ce qui est assez inhabituel... Un certain nombre d'accessoires ("Furo-oke") sont également utilisés:
■ Le "koshikake" est un petit siège sur lequel on s'accroupit confortablement pour se laver et se rincer avant de rentrer dans le bain.
■ Le "sunoko" est le nom caillebotis que l'on trouve parfois à coté du bain et sur lequel on se lave.
■ Le "maru-ko-oke" est une cuvette utilisée pour se laver (et dans lequel on trempe l'inévitable petite serviette blanche...).
■ Le "te-oke" est une cuvette profonde avec un manche qui sert à prélever dans le bain l'eau nécessaire à ses ablutions. Tout ces objets sont, de même que les baignoires, traditionnellement fabriqués en bois, "hinoki" ou "sugi". Aujourd'hui, ces accessoires se trouvent également en plastique de couleur diverses, l'esthétique et le plaisir des sens étant là bien évidement sacrifiés au profit de l'économie...